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Jésuites à La Réunion
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Bartimée, celui qui voit avec le cœur

Retrouvez ici l’évangile du dimanche 25 octobre 2015, 30e dimanche du temps ordinaire (année B), l’homélie du père Christophe Kerhardy, et la prière universelle des fidèles de la Résidence du Sacré-Cœur.

Article mis en ligne le 4 novembre 2015

par Père Christophe Kerhardy sj

Retrouvez ici l’évangile du dimanche 25 octobre 2015, 30e dimanche du temps ordinaire (année B), l’homélie du père Christophe Kerhardy, et la prière universelle des fidèles de la Résidence du Sacré-Cœur.

 L’homélie

Il y a quelques années, j’avais proposé à des compagnons jésuites de visiter ensemble une exposition de Cézanne au Grand Palais ; personne ne semblait intéressé, sauf le père Michel. Or, le père Michel était aveugle, et je me demandais comment il pourrait voir une exposition de peinture ! Ce jour-là, j’ai fait l’expérience qu’un aveugle perçoit ce qui se passe autour de lui avec une grande acuité et qu’il voit les choses intérieurement à partir de ce qu’il entend.

D’ailleurs, lorsque vous observez des gens qui prient, ou quand vous priez vous-mêmes, vous pouvez remarquer qu’on ferme souvent les yeux pour se concentrer sur la Parole. On ne voit bien qu’avec le cœur. Bartimée en est là. Privé de la vue, il est illuminé par ce qu’il entend, et c’est lui qui voit bien, lui l’aveugle qui reconnaît Jésus avec le regard de la foi, sans avoir besoin de le voir.

Quand Jésus passe, il crie avec force de conviction : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ». « Fils de David » : Bartimée a vu juste, avant tous les autres qui attendront d’être à Jérusalem pour acclamer Jésus par des « Hosannah au fils de David ! » Bartimée, lui, a déjà saisi qui était Jésus. Plongé dans sa nuit, son cœur voit avant tout le monde le Messie, l’Envoyé de Dieu. Au fond, sa cécité ne l’empêche pas d’être clairvoyant, comme quoi la vie spirituelle peut surmonter un handicap. Dieu attend que nous parlions, que nous crions, que nous reconnaissions que nous avons besoin d’aide. Le salut est donné aux humbles qui ne se camouflent pas derrière une belle apparence mais à ceux qui se sont dépouillés de leur superbe.

Tandis que Bartimée crie sa détresse et appelle à l’aide, la foule voudrait qu’il se taise. On ne va pas s’arrêter pour lui. On est déjà à la sortie de Jéricho, Jérusalem n’est plus très loin, la conquête est proche et ce n’est pas un aveugle qui va retarder la marche. Alors on rabroue Bartimée. Cet homme est aveugle, et comme si ça ne suffisait pas, on voudrait en plus le rendre muet !

Mais pour Jésus, on n’étouffe pas un cri de détresse. Quand un pauvre crie, le Seigneur entend et quand le Seigneur entend, c’est toute l’Église qui doit s’arrêter ! Alors, la foule qui faisait rempart, comme jadis la vieille muraille de Jéricho, s’entrouvre. A lieu de séparer l’aveugle de Jésus, elle est sollicitée pour faciliter leur rencontre : « Appelez-le », dit Jésus. En deux mots, la foule qui ne voulait pas voir l’aveugle, n’a d’yeux que pour lui et se met à l’encourager : « Courage, lève-toi, il t’appelle ».

Retenons ici la bonne nouvelle suivante : ceux qui sont des obstacles à la rencontre entre l’homme et Dieu, ceux qui rabrouent les croyants, peuvent changer de camp et prendre part à l’œuvre de salut. Je crois que l’Église reçoit ici sa mission : quand un pauvre crie, quand quelqu’un est au bord du chemin comme Bartimée, coincé par un handicap et seul avec ses soucis, l’Église se doit de l’accompagner.

Pour Jésus, rien n’est plus urgent que d’aider un homme dans le besoin. C’est ce qu’il a fait tout au long de sa vie : s’arrêtant devant chaque détresse, il rejoint les hommes bloqués pour les remettre en route. L’aveugle demandait la vue, « Seigneur, que je voie », Jésus lui donne plus, il lui donne la marche : « Va, ta foi t’a sauvé ».

Bartimée était assis au bord du chemin, et voilà qu’il devient pèlerin. Et toi qui n’arrives plus à suivre, toi qui as l’impression que tout va trop vite, eh bien, n’aie pas peur, le Seigneur saura bien s’arrêter pour te remettre en marche.

Cette mise en marche de Bartimée est devenue la prière du pèlerin russe. Son cri lancé vers Jésus : « Fils de David, aie pitié de moi » a été conservée dans l’Église d’Orient comme le modèle de la prière du cœur.

Cette prière, répétée sans cesse, chez soi, en chemin, au travail, au repos, est comme le rythme respiratoire de celles et ceux qui aspirent à vivre en communion avec Dieu. Et lui ne tracera pas son chemin sans nous, il s’arrêtera au point où nous en sommes, avec nos atouts et nos handicaps, avec nos forces et nos faiblesses, et de là il nous conduira dans sa lumière et dans sa paix.

Es-tu aveugle, es-tu dans la détresse, dans les larmes, es-tu dans le brouillard ou dans la nuit, comme Bartimée, comme le père Michel, n’oublie pas que Dieu considère chacun comme la prunelle de ses yeux. Aujourd’hui, il choisit un aveugle pour nous apprendre à voir avec les yeux de la foi, c’est quand même un beau clin d’œil.