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Ma préférence, c’est Jésus

Retrouvez l’évangile du 8 septembre 2013, 23e dimanche ordinaire (année C), l’homélie du père Christophe Kerhardy, et la prière universelle des fidèles de la Résidence du Sacré-Cœur.

Article mis en ligne le 10 septembre 2013

par Père Christophe Kerhardy sj

Retrouvez ici l’évangile du 8 septembre 2013, 23e dimanche ordinaire (année C), l’homélie du père Christophe Kerhardy, et la prière universelle des fidèles de la Résidence du Sacré-Cœur.

 L’homélie

« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. » Dur, dur, pensons-nous.

Je n’oublierais jamais ma première messe où devant mes parents, ma famille, mon village, j’ai dû commenter ce passage d’Évangile : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. »ø Il me fallait leur dire, je vous aime bien mais ma préférence, c’est Jésus et marcher dans ses pas, être son disciple, c’est engager tout ce j’ai, tout ce que je suis, afin d’être franchement à pied d’ œuvre pour poursuivre ce qu’il a entrepris.

Certains considéreront que cet appel à renoncer à tout ne vise que quelques illuminés, spécialement épris de Dieu, pourtant c’est aux grandes foules que Jésus s’adresse et à chacun qu’il demande de tout quitter pour le suivre afin d’embrasser sa mission. Pour répondre à cet appel saint Ignace conseille de se demander : qu’ai-je fait pour le Christ ? Et maintenant, que dois-je faire pour lui ?

Il y a quelques années, je préparais un couple au mariage, lors d’une rencontre le fiancé me dit : « Je sais que pour Marie-Laure je passe après Jésus, c’est lui qu’elle préfère »... et il ajoute : « Mais tout compte fait je n’en suis pas jaloux, au contraire, puisque je veux fonder avec elle une communauté de vie et d’amour, c’est bon pour moi qu’elle préfère Jésus, comme il est le champion de l’amour et de la vie c’est une bonne fondation pour notre mariage ! » Avec ce petit témoignage nous comprenons mieux les paroles de l’Evangile de ce jour : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à sa femme, il ne peut être mon disciple. »

Pour suivre Jésus, il faudra donc le faire passer devant notre famille, renoncer à tous nos biens et même à notre propre vie. Je sais, c’est radical et je comprends que la pilule passe mal. On préfèrerait un christianisme plus soft, une foi plus light ! Mais frères et sœurs, un christianisme superficiel perd son tranchant et ne témoigne plus de l’absolu. Cela étant dit, je voudrais vous éviter deux contresens graves.

Le premier contresens concerne l’appel à « porter sa croix ». Cet appel a nourri naguère tout un courant doloriste. Dans ce courant, pour être avec Jésus, on n’hésitait pas à s’infliger volontairement quelques coups de fouets dans le dos, silices enfoncées dans la chair, mortification sévères ; nos Pères âgés nous racontent comment dans leur jeunesse prendre sa croix était synonyme d’automutilation. Soyons clair et disons-le avec force : la souffrance est un mal contre lequel il faut lutter autant que nous le pouvons.

Vive la médecine qui progresse pour nous en soulager. Voyez d’ailleurs comment Jésus traite la souffrance : quand il la rencontre autour de lui, il en est bouleversé et il la combat. Il me semble clair que pour Jésus le soin du corps, sa consécration, même, est plus important que la haine de la chair.

Aujourd’hui nous avons tourné la page du dolorisme avec ces mortifications accablantes et insensées. Mais un autre excès nous guette, un autre contresens, celui qui consiste à refuser radicalement la croix. C’est dans l’air du temps, désormais, il faut s’occuper de soi, se faire du bien et vivre zen. Désormais, aucune onde négative ne doit perturber l’existence, tel est l’idéal proposé. Entre nous soit dit, cette quête du bien-être est un marché juteux, on vous proposera toutes sortes de thérapies pour relancer les énergies positives. Au fond, de la haine de la chair nous sommes passés à la fascination du corps et de ses fantaisies. Au bout de ce revirement, n’est-on pas entrain de vider le message de l’Évangile que nous venons d’entendre : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi, ne peut pas être mon disciple » ?

À vrai dire nous savons bien qu’il n’y a pas de vie humaine sans croix, c’est à dire sans souffrance, sans tristesse, sans vieillissement, sans deuil. Pour nous chrétiens, il s’agit d’assumer ces événements sur un mode pascal, c’est-à-dire en consentant à ce qu’il y a de douloureux et de crucifiant dans une existence, sans jamais renoncer à notre espérance en la vie, sans jamais douter que la force de Dieu est en nous et qu’elle nous aide à porter le poids des épreuves, jusqu’au jour béni de notre délivrance.

Une force de vie puissante nous accompagne mais cela ne veut pas dire que nous devions nous résigner et subir ce qui nous tombe dessus. La parabole de l’architecte et celle du chef de guerre insistent sur la nécessité de s’asseoir, de réfléchir, de discerner avant d’entreprendre quoique ce soit. Pour nous chrétiens, le bon architecte qui construit la vie jusqu’au bout, c’est le Christ, et le bon diplomate qui affronte les méchants, sans recourir aux armes mais en offrant tout sur la croix, c’est encore le Christ. En ce jour où des velléités de guerre s’expriment de part et d’autre, discernons donc à partir de sa Parole, entendez bien ce qu’elle nous dit : « Envoie une délégation pour demander la paix. » Prions pour que la justice et la paix du Seigneur consolide l’ouvrage de nos mains.