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Jésuites à La Réunion
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Le site des jésuites à La Réunion. La communauté de la Résidence du Sacré-Cœur, les activités de la chapelle de la Résidence et du Centre Saint-Ignace.

À Cana, faisons provision de joie
Article mis en ligne le 21 janvier 2019

par Père François Noiret sj

Retrouvez ici l’évangile du dimanche 20 janvier 2018, 2e dimanche du Temps ordinaire (année C) et l’homélie du père François Noiret à la chapelle du Sacré-Cœur.

Lire l’évangile du jour

L’homélie

Après le Baptême de Jésus, l’Église ouvre la série des évangiles de sa vie publique par l’histoire des Noces de Cana, pour nous faire entrer durablement dans la joie du Christ, et les 600 litres de vin nouveau sont là pour cela ! Quelles noces !

Si vous lisez attentivement ce récit dans l’évangile de Saint Jean, il commence par ces mots étranges : « Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. » Quand on entend cette expression dans les évangiles : « le 3e jour », on doit dresser l’oreille. « Le 3e jour », cela fait tout de suite penser au 3e jour de la Pâque de Jésus, « est ressuscité des morts le 3e jour ». Et effectivement, il y a d’autres indices dans ce récit. Relisons bien ce qui précède : au chapitre 1er, l’évangile commence par ces mots : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, etc. » C’était l’évangile du jour de Noël ; ce commencement, c’est le premier jour du monde, dans la Genèse, chapitre 1, verset 1 !

Or un peu plus loin, au verset 29, nous lisons : « Le lendemain, Jean Baptiste voit Jésus venir vers lui, etc. » : 2e jour, donc. Au verset 35, à nouveau : « Le lendemain, Jean se tenait là de nouveau, etc. » C’est le 3e jour. Et bientôt, au verset 43 : « Le lendemain, Jésus partit pour la Galilée. » 4e jour. Et puis, tout à coup, chapitre 2, verset 1 : « Le 3e jour, il y eut des noces à Cana de Galilée. » Ce 3e jour est en fait le 7e jour de la semaine inaugurale, et la mère de Jésus y était. Or, il y aura une dernière semaine de la vie de Jésus, après trois ans : les trois jours de la semaine sainte, de la Passion et de Pâques, et il y aura à nouveau un repas de noces, la sainte Cène, avec non plus de l’eau changée en vin, mais du vin changé en son sang. Et au cours de ce dernier repas, Jésus dira en commençant sa prière, chapitre 17, verset 1 : « Père, l’heure est venue », alors qu’au premier repas de noces, à Cana, il dit à sa mère : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. »

Ce dernier repas de la dernière semaine, ce sera le repas des noces de l’Agneau, de l’époux divin avec l’humanité qui est représentée par Marie sa mère, celle à qui Jésus dit à la croix : « Femme, voici ton fils », comme il lui a dit au premier repas de noces : « Femme, que me veux-tu ? » Pourquoi « Femme » ? Parce qu’elle est comme Ève en paradis, la Mère des vivants.

Il y eut un 1er jour de la Création, il y eut une 1re semaine de la vie publique de Jésus, en sept jours bien comptés, et il y aura une dernière semaine de la vie de Jésus, en sept jours bien comptés, des Rameaux à Pâques. Et la Mère est là, Ève, la mère de tous les vivants, qui a nom Marie.

Le 3e jour donc, il y eut des noces à Cana de Galilée et la mère de Jésus y était, avec ses premiers disciples et même avec « ses frères » comme le récit le dit à la fin, verset 12 : « Après cela, Jésus descendit à Capharnaüm, ainsi que sa mère et ses frères et ses disciples. » Ce sont ces frères de Jésus que nous retrouverons avec Marie au Cénacle, après Pâques, de l’Ascension à la Pentecôte. Elle est vraiment la Mère des Vivants : présente à Cana, elle est présente à la Croix, puis au Cénacle et à la naissance de l’Église. Elle enfante son fils à la croix et l’Église au Cénacle !

Sa mère dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira. » Les serviteurs se mettent à la disposition de Jésus : « Remplissez d’eau les cuves. » Il y en a six. Pourquoi six ? Parce qu’il y a six jours de la première semaine dans l’ancienne création et qu’au 7e, Dieu sanctifie son œuvre et la bénit. Or le Christ est maintenant le maître d’œuvre de la nouvelle création, et après trois jours en la tombe, le vin nouveau remplacera l’ancien qui est épuisé : l’Alliance avec Moïse devient l’Ancienne Alliance, les livres des prophètes deviennent l’Ancien Testament, et Jésus élève la coupe du salut et instaure la Nouvelle Alliance en son sang, nouvelle et éternelle, mystère de la foi, et nos Évangiles deviennent le Nouveau Testament de la Nouvelle Alliance. Jésus dira même à notre adresse : « À vin nouveau, outres neuves ! »

Après le Baptême de Jésus, que nous avons célébré dimanche dernier dans la suite de Noël et de l’Épiphanie, l’Église nous ouvre le cycle des évangiles que nous allons entendre cette année par le récit des Noces de Cana où l’eau fut changée en vin, et même en un très bon vin, meilleur que le vieux vin qui est maintenant épuisé. Dieu est toujours nouveau et son évangile nous renouvelle, à condition que nos intelligences et nos cœurs, nos oreilles aussi, soient éclairées et ouvertes par le souffle de l’Esprit du Christ, celui du Baptême : « Tu es mon fils, ma fille, en toi je mets toute ma joie. »

L’évangile ouvre la vie publique de Jésus, ces trois années si brèves, par cette histoire de cruches de Cana et de la joie des noces, qui avaient failli mal tourner, et finissent mieux qu’elles n’avaient commencé. Comme le disait le prophète Isaïe dans la 1re lecture : « Comme un jeune homme épouse une jeune fille, ton bâtisseur – c’est-à-dire ton Créateur – t’épousera ; comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. »

Ces paroles sont pour nous, pour chacun de nous : dans la foulée des fêtes de Noël, de l’Épiphanie, du Baptême de Jésus, aujourd’hui avec Marie, les frères de Jésus et ses disciples, avec les jeunes mariés de Cana et tous leurs invités, nous devons entrer dans l’année qui vient avec la joie de Dieu. Rappelez-vous le verset du psaume : « La joie du Seigneur est notre rempart ! » [ici, le prêtre fait chanter ce refrain à l’assemblée, une ou deux fois].

Quand viendront les jours maussades, les temps difficiles, qui sont parfois un cyclone, les moments d’épreuve, quand il faudra boire la coupe d’amertume, rappelons-nous toujours ces temps de grâce qui ont fondé notre foi : notre baptême, les noces de Cana, les premiers jours de notre mariage, ces grâces personnelles qui nous font croire et vivre. Il faut vivre de ces grâces et en conserver le souvenir, car la joie du Seigneur en ces jours-là ne trompe pas et reste présente au cœur, même enfouie. Il faut faire comme Jésus : il part pour ses trois années de vie publique avec cette parole qui est toute sa joie : « Tu es mon Fils bien aimé, en toi j’ai mis toute ma joie. » Jésus va vivre de cette parole de son Père pendant ses trois années de pèlerinage sur la terre, et jusqu’aux derniers adieux, au dernier repas des noces de l’Agneau : « Je vous ai dit tout cela pour que vous croyiez et que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » C’était au dernier repas, au 1er des trois derniers jours. Au second, les noces seront consommées sur la croix et Marie sera là encore : « Femme, voici ton fils – Voici te mère, et de ce jour le disciple la prit avec lui. » Et le 3e jour, il est ressuscité et la joie de Dieu a inondé le monde.

Nous le savons, mais il nous faut faire provision de joie, aujourd’hui, à Cana, pour suivre le Christ dans ses pérégrinations, dans son pèlerinage de trois ans – pour nous cette année 2019. « Toi, dit l’intendant au marié — en fait à Jésus — tu as gardé le meilleur vin jusqu’à maintenant. » Il est vrai pourtant qu’on présentera encore à Jésus crucifié du vinaigre ; d’après les quatre évangiles sans exception, il accepta d’en boire, dans une éponge fixée au bout d’un roseau, puis il meurt : « Ils m’ont abreuvé de vinaigre, » prophétisait le psaume 69. Mais Jésus avait dit lors de la Cène, Matthieu 26,28 : « Prenez et buvez-en tous, ceci est mon sang, le sang de l’alliance qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés. Je vous le dis : je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le Royaume de mon Père. »

Réfléchissons : quand nous venons communier à l’autel, manger le Corps du Seigneur et boire son sang versé pour nous, qui est-ce qui est triste ? Personne ! L’eucharistie est toujours une joie, toujours une louange, toujours une action de grâces. Et pourtant nous faisons mémoire de la passion et de la mort du Seigneur, mais qui est triste ? Nous savons bien que Jésus a encore bu du vinaigre du haut de la croix, mais nous célébrons l’eucharistie, l’action de grâces de Jésus, même pour les funérailles, parce que ce que nous retenons, c’est sa joie, qu’il a laissée en héritage et en promesse à la Cène, en vue du Royaume à venir, des noces éternelles, « le banquet des Noces de l’Agneau » — comme dit Saint Jean dans l’Apocalypse, et nous aussi au moment de la communion. C’est cela qui nous est promis et qu’il nous fait goûter aux noces de Cana.

Il faudra nous en souvenir toute cette année. La route sera peut-être rude, mais la promesse du Seigneur tient bon : « La joie du Seigneur est notre rempart ! » [on chante une dernière fois ce refrain].