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Jésuites à La Réunion
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Le site des jésuites à La Réunion. La communauté de la Résidence du Sacré-Cœur, les activités de la chapelle de la Résidence et du Centre Saint-Ignace.

Plus de foi... ou plus de service ?
Article mis en ligne le 18 octobre 2013

par Père Christophe Kerhardy sj

 L’homélie

Juste avant le passage que nous venons de lire, Jésus vient de mettre la barre très haut. Vous me demandez combien de fois vous devez pardonner, je ne vous dis pas 7 fois, mais 70 fois 7 fois. Les disciples ont un peu le vertige. Cela leur paraît impossible ! Alors ils se tournent vers Jésus et lui demandent : « Augmente en nous la foi. »

La réponse de Jésus à quelque chose de surréaliste : « La foi, si vous en aviez gros comme un grain de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : « Déracine-toi et va te planter dans la mer » ; il vous obéirait ! »

Certes ce serait très spectaculaire, mais à quoi cela servirait-il ? Nos arbres, notre forêt des hauts est suffisamment menacée par le feu pour que la foi n’ait pas besoin d’y apporter le coup de grâce. En revanche, je crois qu’il y a des déracinements bien plus utiles à opérer. Voyez comment le mauvais a pris racine dans le cœur de l’humanité ; les pommes de discorde, les raisins de la colère, les fleurs du mal, y poussent allègrement. Quand je jette un coup d’œil sur le champ du voisin, j’ai vite fait de remarquer toutes ces espèces invasives. Mais c’est d’abord en moi qu’il faut repérer comment l’ennemi prospère afin de l’en déraciner. En y réfléchissant bien, peut être que la foi se fortifie précisément quand on est sur le point de se “planter” comme disent les jeunes.

Dans l’histoire biblique, la foi est en effet une force qui vient à la rescousse de l’homme parvenu aux bords ses possibilités. Pour Israël poursuivi par l’armée de pharaon, la foi ouvre un chemin d’outre-mer ; pour nous, nous affirmons que le Christ ressuscité a ouvert un chemin d’outre-mort. Dieu ne nous plante pas quand nous avons atteint nos limites naturelles, il nous transplante dans la vie nouvelle. L’histoire de la pâque de Jésus, sa victoire, son élévation dans le ciel, devient notre pâque, notre victoire, notre élévation : Nous sommes ici au cœur de notre foi.

Mais attention, la foi, c’est comme l’appétit, on peut la perdre. Notre appétit, il peut être gros et on le compare alors à un appétit de cheval, il peut être maigre et dans ce cas on parle d’un appétit de mouche. Si je fais le lien entre notre désir de Dieu et notre envie de manger, c’est que les deux suivent souvent la même courbe et varient selon l’état de notre moral. Quand l’appétit va, tout va ! Oui quand le moral est bon, me voilà plein d’énergie, plein de foi en la vie. Par contre, quand des troubles s’installent, quand les tuiles me tombent dessus les unes après les autres, alors, j’ai le moral qui baisse, et à force d’être éprouvé, j’en viens à perdre la foi et je n’ai plus faim.

Le prophète Habacuc en est là. Rien ne va plus en Israël, et le silence de Dieu, sa passivité, son inaction paraissent insupportables. Alors il lance un SOS en direction du Seigneur : « Combien de temps, Seigneur, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas, crier contre la violence, et tu ne délivres pas ! Pourquoi m’obliges-tu à voir l’abomination et restes-tu à regarder notre misère ? Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent. »

Cette lamentation d’Habacuc, c’est la nôtre quand nous tambourinons à la porte de Dieu pour que cesse la spirale des coups durs, de discordes incessantes. On est ulcéré par toutes les exactions commises soi-disant « au nom de » mais qui en réalité salissent son nom.

Nous pouvons nous lamenter et crier : « Mais où est Dieu dans tout cela ? Si au moins il était là ». Et lui de nous répondre : « Mais où sont vos projets pour relancer le moral des troupes ? Que faites-vous pour cette part d’humanité grosse d’épreuves et de ressentiments ? »

Les Apôtres demandent plus de foi mais Jésus les appelle à plus de service. N’attendons pas une force magique pour dissoudre les problèmes, mais mettons nous en tenue de service. Beaucoup sont aux pieds d’une montagne de problèmes, beaucoup sont inquiets pour leur avenir, beaucoup se noient dans la mer, comme cette semaine près de Lampedusa. Nous nous sentons dépassés, la mer est si grande et notre foi si petite. Ce n’est pas une raison pour dire : « On n’y peut rien, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ! » De tels propos ne siéent pas aux chrétiens. En christianisme, servir l’homme éprouvé n’est pas une option, c’est un juste devoir.

Seigneur, augmente en nous le goût de servir !