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Forum-débat sur le thème : « Face à l’extrême droite : écouter, comprendre, agir » - Mardi 6 décembre 2016
Article mis en ligne le 4 décembre 2016
dernière modification le 30 décembre 2016

par Père Stéphane Nicaise sj

Reprise du troisième forum-débat du Centre Saint Ignace sur le thème :
« Face à l’extrême droite : écouter, comprendre, agir » (mardi 8 novembre 2016). Le quatrième et dernier forum se déroulera le mardi 6 décembre 2016 à 18h30, avec les interventions de trois personnes ayant suivi l’ensemble du parcours.

Nous voici arrivés à la troisième étape, ce qui est déjà une belle performance ! La quatrième viendra la confirmer… D’étape en étape, le contenu des échanges relève davantage d’une parole personnelle, partagée dans un climat paisible, celui qui convient au Débat, avec un « D » majuscule. Cette qualité est propre au débat contradictoire indispensable à l’exercice de la Démocratie, entendue elle aussi avec un grand « D ». La nécessité au départ d’apporter du contenu, avec la vidéo de la table ronde tenue à Paris le 21 juin dernier, et avec les articles de la revue Projet, ne s’impose plus. Preuve en est la prise de parole que Christian – l’un des participants depuis le 1er forum-débat – avait sollicitée et qu’il a formalisée par un texte de deux pages. Le 3e forum-débat a commencé avec son intervention, suivie de l’échange entre la quarantaine de personnes présentes. De cet échange, un résumé ne peut pas rendre compte avec intérêt. Par contre, et pour servir de support au 4e forum-débat, il convient d’extraire les thématiques principales de l’échange sur lesquelles notre réflexion commune progresse. Repartons donc de trois insertions entendues :

  • « Ce sur quoi nous coinçons actuellement est notre pauvreté à tous, notre incapacité à faire en sorte que les jeunes aiment cette société ; qu’ils s’y trouvent bien et qu’ils puissent s’y intégrer. C’est le problème fondamental à mon sens. Et pour y répondre, il y a sans doute à ne pas se laisser enfermer dans l’alternative politique habituelle. »
  • « En maternelle il est dit aux enfants que les crayons se partagent, et le travail se fait en groupe. Au CP, chacun vient avec « sa » trousse (certains ont plus que d’autres !), et il intègre ce discours : Maintenant tu es grand, tu es tout seul à ta table, et chacun pour sa peau ! N’est-il pas possible de faire autrement ? Oui bien sûr, et il y a des solutions à rechercher ensemble. »
  • « On dit qu’il y a un problème et on stigmatise. Comme si la société était figée, comme si nous étions face à une photographie, comme s’il n’y avait pas d’histoire et pas d’avenir. Or notre pays a été capable d’intégrer pendant des décennies. Mais aujourd’hui la société française n’est plus en mouvement, elle est en panne. Pourquoi ? Et comment pouvons-nous la remettre en mouvement ? »

Ces trois insertions redonnent du champ à un débat trop centré sur le thème de l’immigration accusée d’être à l’origine de tous les maux de la société française, et lui faisant encourir le risque majeure d’une « partition du pays ». Dans ce registre le discours sécuritaire prend le devant et refoule l’approche plus personnalisante. Celle qui rend compte du mal être d’un grand nombre de concitoyens, sans distinction d’origine. Un mal être intériorisé comme « une humiliation », avec le sentiment de ne plus compter pour rien et pour personne, d’être superflue, « un déchet » comme le pape François le dénonce. Ce mal la n’a pas de couleur ni d’appartenance ethnoculturelle. Mais il mine les soubassements du contrat social sur lequel la société française repose.

A partir de ce constat, si l’émotion prend le pas sur les convictions, le débat se stérilise. Les convictions, comme les valeurs, sont immuables, jamais simplement conjoncturelles. Par exemple, le respect de la dignité inaliénable de toute personne ne souffre aucune exception. Aussi dire que « l’immigration en France aujourd’hui est difficile » impose de dépasser les ressentis et les peurs projetées sur l’avenir, par exemple d’être demain minoritaire dans son propre pays. C’est également un leurre que d’affirmer que le recourt à « la préférence nationale » endiguera les difficultés, dont celles des incivilités et de la délinquance. Et il n’est pas tolérable d’user de caricatures qui stigmatisent des populations entières, comme à d’autres époques.

Regardons pourquoi La Réunion s’en sort mieux. Et comment elle peut faire entendre une autre voix - et indiquer une autre voie ! - dans le débat national et européen des élections présidentielles de 2017. Sans masquer ses propres difficultés à inventer un nouveau modèle d’intégration, un défi à relever et qui est né de la départementalisation de Mayotte en 2011. Et n’oublions pas l’apport de l’engagement associatif à ce grand débat national.