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Jésuites à La Réunion
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Respirer la Paix !

Retrouvez ici le bulletin « Un p’tit mot, trois p’tits pas » de juin 2016, avec l’éditorial du père Stéphane Nicaise sj.

Article mis en ligne le 3 juin 2016
dernière modification le 13 juin 2016

par Père Stéphane Nicaise sj

Retrouvez ici le bulletin « Un p’tit mot, trois p’tits pas » de juin 2016, avec l’éditorial du père Stéphane Nicaise sj.

Il fallait oser relever l’invitation à venir raconter au Centre Saint-Ignace l’histoire de l’Institut de Théologie Musulmane de La Réunion (ITMR) (1)
devant un public majoritairement catholique, partageant sans doute quelques-unes des opinions ambiantes sur l’islam et l’islamisme... L’accent provocateur du titre du forum-débat y faisait directement référence : « L’imam est-il formé à enseigner la paix ? ». Loin d’en être dérangé, Zacarya Gangate, fondateur et directeur du Centre Français de formation des Imams de la Plaine des Cafres, a saisi l’occasion de cette rencontre (2) pour ouvrir son cœur, celui d’un « Z-Y », un « Z’arabe – Yab », musulman d’origine indienne né à La Réunion. Tout s’enra- cine là, dans une enfance vécue sous l’arc-en-ciel de l’êle, entourée de tout le monde, malbars, chinois, catholiques... Pour préserver cette identité réunionnaise, le père de Zaca- rya l’incite à aller entreprendre ses études supérieures dans une université où des dizaines de nationalités se côtoient. Ce sera Karachi au Pakistan. Et c’est le directeur de cette université qui va mettre dans la tête de Zacarya l’idée d’un Institut réunionnais : « Vous ne pouvez pas continuer à venir ici vous former ! ». Le jeune étudiant de 20 ans n’y comprend rien, mais il n’oublie pas. Vient le temps de la germination, et le 7 avril 1996, l’ITMR est inauguré.

Enraciner en terre réunionnaise la théologie musulmane enseignée aux étudiants est pour Zacarya la meilleure façon de sortir de la confusion installée chez beaucoup de personnes entre la culture et le culte, comme s’il y avait correspondance immédiate entre les deux. Non, le contenu de la foi ne se confond pas avec les grandes déterminations d’une culture, même si celles-ci servent au croyant à vivre sa religion. Zacarya l’affirme sans détour : « Je respecte l’Inde mais je n’ai pas un réflexe indien ou pakistanais dans ma réflexion théologique. Je ne suis pas là pour faire du copier-coller ! ». L’orientation donnée à l’ITMR se résume alors en une devise qui écarte toute ambiguïté : « La maîtrise du texte et la compréhension du contexte », le texte étant le Coran et la Sunnah, le contexte le monde réunionnais, carrefour des nations.

N’est-ce pas la Religion avec un grand « R » qui gagne dans cette clarification entre la culture et le culte ? Une clarification qui renforce aussi un « vivre avec », plus intense qu’un « vivre ensemble » qui pourrait n’être qu’une juxtaposition de communautés différentes, chacune étant plus ou moins refermée sur ses particularités. D’autant que ce phénomène de fermeture est souvent justifié par une fidélité à la communauté d’origine, nationale, linguistique et culturelle, faisant de telle religion la religion de tel peuple...

Or, dès l’instant où une religion prétend intéresser le monde entier, le Dieu qu’elle fait connaître n’appartient à personne. Il n’est ni grec, ni arabe, ni africain, ni européen, ni indien, ni chinois, etc. Pour être universelle, une religion s’adresse à l’humanité entière parce qu’elle considère l’homme, tout homme, dans ce qu’il partage avec tous les autres. C’est-à-dire sa grandeur et sa beauté, sa dignité et sa capacité de s’ouvrir aux autres, de leur porter un même respect et un même amour quelles que soient leurs origines. Chaque personne est ainsi le symbole de toute l’humanité. Dans la conscience également que cette humanité commune s’exprime dans une grande diversité de langues, de cultures, de traditions spirituelles, d’organisations sociales. L’étonnement jaillit de la contemplation de cette diversité, réunie en un seul bouquet dans la main de celui qui l’a voulue, et que les religions désignent du nom de Dieu. Libre à chacun de l’identifier ainsi car c’est l’exercice de cette liberté qui rend possible notre fraternité, et nous met en responsabilité de la protéger et de la développer.

Alors oui, l’imam est formé à enseigner la paix ! Et la question se retourne aussitôt vers toutes les religions pour accentuer la vigilance de chacune à ce que ses acteurs soient effectivement formés à transmettre un message de Justice et de Paix.

Un p’tit mot, trois p’tits pas n°83 - juin 2016